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La rentrée 2020 à l'aune du Covid19
Arnaud Fontanet en live sur AEF info
A l'instar des autres établissements d'enseignement supérieur, le Cnam prépare sa rentrée dans des conditions sanitaires particulières et inédites. Animant de nombreuses interventions depuis le début de la crise sanitaire, Arnaud Fontanet, professeur en épidémiologie au Cnam et membre du conseil scientifique Covid-19, lors d’un webinaire organisé par AEF info le 2 juillet, insiste sur la nécessité de comprendre les principes de transmission du virus pour adapter au mieux les mesures.
© Pixabay
Doit-on porter des masques durant les TD ? Faut-il proscrire les brassages de groupes ? ou encore : des tests PCR et prises de température doivent-ils être généralisés sur les campus ? Les questions fusent durant ce webinaire quant aux mesures organisationnelles qui doivent être appliquées pour les étudiants à la rentrée 2020.
Face à ces interrogations, Arnaud Fontanet épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du conseil scientifique Covid-19, invite chacun à "faire preuve de bon sens" afin de pouvoir appliquer au cas par cas les mesures générales qui ont été émises par les directives ministérielles.
De son interview émergent trois points essentiels à prendre en compte pour appréhender au mieux la rentrée : comprendre le virus pour s'y adapter, mobiliser les étudiants et s'inspirer de certains modèles asiatiques dans la gestion de la crise sanitaire.
1) Comprendre le virus pour s'y adapter
"J'ai moi-même plein d'incertitudes sur ce qu'il faut faire"
confesse-t-il. L'essentiel réside donc dans la bonne compréhension des principes de transmission du virus. Flexibilité et adaptabilité sont les deux mots d'ordre préconisés par notre spécialiste en épidémiologie pour cette rentrée 2020. Ainsi, sur la question du maintien de la formation à distance ou en présentiel, Arnaud Fontanet avance la possibilité de cours en présentiel mais avec grande vigilance et surtout avec possibilité de repli rapide sur des cours à distance, lorsque le virus circulerait à nouveau de manière très active. Selon lui, il y a en effet de fortes probabilités pour que le virus circule à nouveau à l'arrivée du froid, au mois d'octobre ou novembre.
Même si la transmission se fait essentiellement par les postillons, le virus est également présent dans des particules fines dites "aérosols" : d'où la nécessité d'aérer les pièces qui peuvent contenir le virus. S'il n'y a pas de possibilité d'aérer, le masque est impératif, dans un amphithéâtre qui n'aurait pas de fenêtre, par exemple. Vigilance extrême, donc, d'autant plus que nous savons désormais qu'une transmission est également possible avant même les premiers symptômes, et que certaines personnes peuvent être "super-contaminatrices", à savoir qu'elles "présentent une concentration de virus dans la gorge, sans être malades, mais qu'elles émettent quand elles parlent."
2) Mobiliser les étudiants
Contrairement aux débuts de la crise sanitaire, Arnaud Fontanet insiste sur le fait que nous sommes désormais en mesure de tester 100 000 personnes par jour (les tests sont disponibles, si les moyens humains sont mobilisables). Selon la situation, donc, si un ou plusieurs cas de Covid19 se présentent en milieu universitaire, des tests massifs sont envisageables. Il préconise en amont une responsabilisation massive des étudiants et personnels qui doivent se faire dépister dès l'apparition des premiers symptômes.
En ce sens, les associations étudiantes pourraient être mobilisées et former des "ambassadeurs" afin de sensibiliser les étudiants sur les principes de transmission. "Le dépistage peut se faire via le test PCR, qui indique si on est porteur du virus. Ce type de campagne pourrait vraiment être utile pour connaître les personnes infectées dans les universités et les placer en isolement."
3) S'inspirer des modèles asiatiques
Port généralisé du masque, respect des gestes barrières, tests, traçage et isolement des personnes positives : tels sont les éléments essentiels qui ont permis à certains pays asiatiques comme la Corée du Sud, le Japon ou Hong Kong, de gérer la crise sanitaire sans passer par le confinement. Ceci est la condition sine qua non pour continuer à avoir une vie sociale, économique et étudiante : car comme le souligne notre épidémiologiste, "nous avons vécu la crise sanitaire la plus grave depuis la grippe espagnole, il faut donc accepter que cela puisse être inconfortable. Nous ne nous en sortirons pas avec un retour à la vie normale."
Quelques questions à la marge...
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Que penser de l'application STOPCOVID ?
"Est-ce que les établissements doivent demander à chaque étudiant et personnel d’utiliser l’application StopCovid ?" Ce sondage, réalisé pendant le webinaire, révèle que 47 % des participants sont pour son utilisation, 25 % ont répondu non et 28 % "je ne sais pas".
"C’est un outil très simple qui peut nous aider sur la gestion de l’épidémie", pense Arnaud Fontanet. "Mais trop peu de personnes l’ont utilisé pour que cela marche. Pour l’instant, ça à l’air d’être un véritable flop. Si le virus recommence à circuler, ça peut être extrêmement utile […]. Cette application a beaucoup de sens et je ne pense pas qu’elle soit intrusive, même si on peut revoir les paramètres."
Dans une autre interview donnée sur France Inter le 6 juillet, l'épidémiologiste compare cette réticence qui apparaît plus vive en France que dans d'autre pays européens comme l'Allemagne, où l'application fait beaucoup plus d'adeptes.
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Quid des étudiants internationaux ?
La mobilité étudiante reste une des questions majeures et "compliquées" pour cette rentrée 2020. Les deux points clés à considérer sont : d'une part le taux de circulation du virus dans le pays d'origine et la qualité des soins dans le pays d'accueil.
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Et la recherche scientifique dans tout ça ?
La crise va t-elle permettre de changer les pratiques de la recherche ? Arnaud Fontanet indique que si les partages de données étaient déjà très utilisées, elles le sont encore plus massivement depuis la crise sanitaire. Néanmoins, il déclare être "très déçu de la médiatisation de certaines théories scientifiques qui n’étaient pas du tout consensuelles. Alors que le débat scientifique que nous avions était au contraire très bon, avec beaucoup de collaborations, de partage d’informations et avec une méthodologie très scientifique. Malheureusement, les médias n’ont pas retenu cela et nous avons perdu la confiance d’une partie de la population qui ne comprenait pas ces déchirures scientifiques."