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Covid-19 : avec le recul, quels sont les pays qui ont le mieux réagi pendant la pandémie ?

Arnaud Fontanet Médecin, directeur de l'Unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur, professeur titulaire de la Chaire Santé et Développement du Cnam

Publié le 20 décembre 2024 Mis à jour le 20 décembre 2024

Une étude récente compare les différentes stratégies de lutte contre la pandémie de Covid-19 instaurées dans 13 pays d’Europe occidentale, et les résultats qu’elles ont permis d’obtenir. Ses conclusions indiquent notamment que les États qui ont restreint précocement les contacts sociaux sont parvenus à sauver davantage de vies que les autres, tout en préservant mieux leur économie.

©aykapog from Pixabay

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Durant la pandémie de Covid-19, les stratégies de lutte mises en place pour contenir la propagation du coronavirus SARS-CoV-2 à l’origine de la maladie ont varié d’un État à l’autre, y compris dans des pays présentant des similitudes en matière de populations, niveaux de vie, systèmes de soins, modes de gouvernement, saisonnalité des maladies respiratoires, etc.

En septembre 2023, les représentants de 13 pays d’Europe de l’Ouest impliqués dans la gestion de la pandémie de Covid-19 (dont d’auteur de ces lignes) ont choisi de comparer les stratégies utilisées dans chacun des pays pour contrer la pandémie. Cinq ans après le début de la pandémie, voici ce que nous enseignent ces travaux, publiés dans la revue BMC Global and Public Health.

Choisir un indicateur pertinent

Dans le cadre de ces travaux, il a été décidé que le principal indicateur d’évaluation des stratégies utilisées serait l’excès de mortalité toutes causes confondues pendant la période du 27 janvier 2020 au 3 juillet 2022.

Certes, l’impact de la pandémie sur nos sociétés s’étend largement au-delà de la seule mortalité associée au virus. On peut par exemple citer la morbidité due aux formes longues de Covid-19, la dégradation de la santé mentale de la population causée par la pandémie, ses effets sur l’éducation, l’économie, etc. Chacun de ces aspects mériterait une analyse à part entière.

Cependant, cet indicateur présente de nombreux avantages pour évaluer la pertinence des stratégies mises en place. Il permet en effet :

  • d’utiliser des données disponibles dans tous les pays par sexe, classe d’âge et semaine (sauf pour l’Irlande où elles étaient disponibles par mois) ;

  • de nous affranchir de la discussion : mort « de » le Covid-19 ou mort « avec » le Covid-19 ;

  • de ne pas avoir à nous préoccuper de l’exhaustivité du dépistage du Covid-19 parmi les sujets décédés qui aurait pu être différente selon les pays ;

  • de prendre en compte la mortalité différée liée aux séquelles du Covid-19, comme celle liée à l’atteinte cardio-vasculaire ;

  • d’inclure la mortalité indirecte liée à la désorganisation du système de soins lors de la pandémie ;

  • de prendre en compte la baisse de la mortalité liée à l’absence d’épidémie de grippe pendant deux ans, et la diminution de quelques autres causes de mortalité (comme les accidents de la route pendant le confinement) ;

  • d’utiliser les méthodes déjà développées pour calculer l’excès de mortalité pendant les épidémies de grippe saisonnière, ou les pandémies grippales.

Nous avons limité nos travaux à la période comprise entre janvier 2020 et juillet 2022, car la survenue, pendant l’été de cette même année, d’un épisode caniculaire, puis le retour de la grippe durant l’hiver 2022-2023, empêchent ensuite d’attribuer les excès de mortalité observés aux seuls effets du Covid-19.

Enfin, par rapport à la plupart des articles publiés antérieurement, nous avons effectué deux changements méthodologiques : nous avons allongé la période de référence utilisée pour calculer la tendance à partir de laquelle l’excès de mortalité allait être estimé (2010-2019 au lieu de 2015-2019) et nous avons standardisé par âge et par sexe l’excès de mortalité, afin de prendre en compte les différences de distribution d’âge des populations des pays choisis, qui peuvent s’avérer très importantes. L’Italie possède par exemple la proportion de personnes âgées de plus de 80 ans la plus élevée en Europe (elle était de 7,5 % en 2020), tandis qu’en Irlande elle était deux fois inférieure (3,5 %). Or, on sait que les catégories les plus âgées de la population ont été particulièrement vulnérables au coronavirus SARS-CoV-2.

Les mesures prises tôt sont plus efficaces

Sur l’ensemble de la période d’étude, soit du 27 janvier 2020 au 3 juillet 2022, on constate que les pays scandinaves (Norvège, Danemark et Suède) et l’Irlande sont ceux qui ont le mieux résisté : l’excès de mortalité cumulatif y a été de 0,5 à 1 pour 1000 habitants. Les trois pays suivants sont l’Allemagne, la Suisse et la France, avec un excès de mortalité cumulatif compris entre 1,4 et 1,5. Viennent ensuite l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Belgique (entre 1,7 et 2,0). Enfin, l’Italie ferme la marche, avec un excès de mortalité cumulatif de 2,7.

La période la plus intéressante est probablement celle de la première vague (qui s’est étendue de la fin du mois de janvier à la fin du mois de juin 2020), car elle nous donne des enseignements sur la stratégie à suivre si une nouvelle pandémie d’ampleur survenait.

Courbes représentant la surmortalité cumulée normalisée selon l’âge et le sexe dans 13 pays d’Europe occidentale, du 27 janvier 2020 au 28 juin 2020 (souche historique du coronavirus SARS-CoV-2)
Surmortalité cumulée normalisée selon l’âge et le sexe dans 13 pays d’Europe occidentale, du 27 janvier 2020 au 28 juin 2020 (souche historique du coronavirus SARS-CoV-2) -. adapté de Galmiche S., et al. (2024) « Patterns and drivers of excess mortality during the Covid-19 pandemic in 13 Western European countries », BMC Global and Public Health, CC BY-SA

Pour juger de la précocité des mesures de restriction des contacts sociaux (confinement, couvre-feux, fermetures…), nous avons regardé quel était le taux d’admission hebdomadaire à l’hôpital de patients atteints de Covid-19 au moment où lesdites mesures avaient été prises. Plus ce taux était bas, plus nous avons considéré que les mesures avaient été précoces.

Nous avons constaté que l’excès de mortalité sur cette période a été le plus faible dans les pays qui ont pris les mesures le plus tôt. Il est même négatif pour des pays comme l’Allemagne, le Danemark et la Norvège, du fait d’une épidémie de grippe écourtée.

La France, qui a confiné alors que seules trois régions étaient touchées (Grand Est, Île-de-France et Hauts-de-France), ne s’en sort pas si mal. En effet, le confinement a permis de « geler » l’épidémie naissante dans l’ouest et le sud du pays.

Les pays avec l’excès de mortalité le plus élevé pendant la première vague ont été l’Espagne et le Royaume-Uni. Tous deux ont été victimes d’épidémies d’emblée généralisées sur l’ensemble du territoire, et le Royaume-Uni a été le dernier pays d’Europe de l’Ouest à se résoudre à prendre des mesures fortes de contrôle de l’épidémie (le 24 mars 2020).

Suède : un choix initial qui n’a pas été couronné de succès

La Suède est le seul pays à avoir initialement choisi des mesures intermédiaires, basées sur des recommandations faisant appel au civisme de ses citoyens (invités notamment à s’isoler volontairement en cas de symptômes, à privilégier le télétravail et à limiter leurs interactions sociales), sans toutefois mettre en place de confinement, ni fermer les écoles, les bars, les restaurants ou les entreprises. Les seuls à qui il a été demandé expressément de s’isoler étaient les plus âgés, du fait de leur vulnérabilité face aux formes graves de la maladie.

Cette stratégie s’expliquait par la crainte de la survenue d’une « fatigue pandémique » dans la population si les mesures devaient durer, et par le bénéfice secondaire attendu de la construction d’une immunité populationnelle si le virus circulait à bas bruit chez les plus jeunes.

Rétrospectivement, il apparaît que l’excès de mortalité a été très élevé en Suède au cours de la première période, sans comparaison avec ses voisins scandinaves, et de 80 % supérieur à celui de la France. Ceci s’explique par le fait que le virus a fini par trouver le chemin des EHPADs suédois, dans lesquels la mortalité a été très importante. Les autorités ont reconnu fin 2020 l’échec de leur stratégie, et ont prôné un renforcement des mesures pour l’hiver 2020-2021. La Suède connaîtra par la suite une évolution proche de celle des autres pays scandinaves.

Les mesures précoces ont mieux préservé l’économie

Le deuxième enseignement de nos travaux est que les pays qui ont pris des mesures tôt ont non seulement mieux préservé les vies humaines, mais ont également mieux préservé leur économie. La baisse du PIB en 2020 y a été en effet moins importante que dans les pays ayant tardé à réagir. Et ce, alors même qu’une des raisons invoquées par certains des dirigeants de ces derniers pour retarder la mise en place de mesures de restriction était justement la préservation de l’économie.

Ceci peut s’expliquer en partie par le fait que les pays qui ont pris des mesures tôt ont pu alléger ces mesures plus tôt, du fait d’une situation sanitaire contrôlée. Ainsi, le Danemark, qui a réagi dès le 13 mars 2020, alors qu’il n’y avait que dix personnes hospitalisées dans le pays, a pu alléger les restrictions dès le 15 avril (en France, il a fallu attendre le 11 mai).

La leçon à retenir est claire : une fois que l’on sait que la vague épidémique arrive et qu’elle sera dure, il n’y a aucune raison d’attendre que les hôpitaux se remplissent pour prendre les mesures de restriction nécessaire. Au contraire, il faut les mettre en place le plus tôt possible. Ainsi, des vies seront sauvées, et l’impact sur l’économie sera moindre.

La confiance dans les institutions, clé de la réussite

Un autre bénéfice associé aux mesures précoces est qu’il est possible de les calibrer. Lorsqu’un premier train de mesures est pris tôt, il est possible d’évaluer son impact sur la dynamique de l’épidémie.

Dans le cas de virus respiratoire comme le virus de la grippe ou les coronavirus, si les mesures prises ont un effet, il sera perceptible dans un délai de dix jours sur les admissions à l’hôpital. Si, passé ce laps de temps, ces dernières ne baissent pas, cela signifie que les mesures sont insuffisantes et qu’il faut les renforcer.

Cette marge de manœuvre n’existe pas si l’on attend que les hôpitaux soient saturés pour prendre des mesures de restriction. Dans un tel cas de figure, il n’y a alors pas d’autre choix que d’adopter d’emblée des mesures très fortes, pour tenter de protéger les hôpitaux.

Il faut cependant souligner que pour qu’une population accepte la mise en place de mesures de restriction alors même que les hôpitaux sont encore vides, sa confiance dans son gouvernement et ses institutions doit être élevée. C’est le troisième enseignement de ces travaux : les pays qui ont pu prendre des mesures précoces sont ceux où lesdits niveaux de confiance des populations étaient les plus hauts.

Malheureusement, l’intense circulation de « fake news » ainsi que l’impact massif de la désinformation sur le débat public et les prises de décision n’incitent pas à l’optimisme, dans l’éventualité où nous devrions faire face à une nouvelle pandémie. Espérons que nous saurons malgré tout nous souvenir des leçons apprises, parfois durement, pendant la pandémie de Covid-19.The Conversation

Arnaud Fontanet, Médecin, directeur de l'Unité d'épidémiologie des maladies émergentes à l'Institut Pasteur, professeur titulaire de la Chaire Santé et Développement du CNAM, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.


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