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<< Emmène-moi vite >>... lorsque jeu vidéo rime avec culture et tradition béninoises

Yvan Boude, rédacteur en chef du Cnam mag'

Publié le 23 janvier 2020 Mis à jour le 2 juin 2020

Pour la seconde année consécutive, la Paris Garnes Week, l'un des plus importants événements mondiaux du jeu vidéo, invitait 14 studios venus de neuf pays africains (Bénin, Ghana, Kenya, Madagascar, Maroc...). Sur le papier, il s'agissait pour l'organisateur de mettre en valeur des créations souvent méconnues mais qui revendiquent un style unique reposant sur les racines et la culture de leurs développeurs. C'est ce que nous avons voulu vérifier avec Hermann Assevi, créateur de Zémidjan, finaliste du Startup Africa Summit de Tunis et auréolé du titre de meilleur jeu vidéo béninois lors de la Benin Game Jam 2019 .

Quels sont les grands principes de Zémidjan ?

Au Bénin, la population utilise traditionnellement des motos-taxis qui peuvent facilement les transporter d'un endroit à un autre pour aller au travail, à un rendez-vous ou pour une course au marché, en se jouant de l'état des routes et de la désorganisation des transports publics. Ce sont les Zémidjans, terme qui signifie littéralement en fon, la langue du sud du Bénin, « emmène-moi vite ». Notre jeu s'est inspiré de cette réalité socio-culturelle béninoise autour d'un principe très simple : se mettre dans la peau du jeune Soglo, qui quitte son village et débarque à Cotonou pour devenir moto-taxi. Le joueur doit ainsi relever le défi de transporter quotidiennement d'un point à un autre, en évitant les obstacles et les imprévus, un certain nombre de clients pour gagner sa vie et amasser un petit pécule. Celui-ci lui permettra d'acheter une voiture et de devenir un « vrai » taxi, ou de retourner chez lui comme entrepreneur agricole et créer de la richesse pour son pays.

Ce gameplay que l'on pourrait trouver simpliste et basique, se double toutefois d'une visite originale de la ville de Cotonou et d'une plongée dans la culture béninoise. Tout au long de son parcours, le joueur peut en effet suivre sur une carte son parcours alors que des panneaux proposent des citations, des informations sur le code de la route, des explications ou des messages éducatifs et civiques. Zémidjan a donc un caractère touristique et culturel très poussé. C'est aussi une promotion de l'entrepreneuriat tel qu'il se vit au Bénin et plus largement dans toute l'Afrique de l'Ouest.

Comment avez-vous eu l'idée de ce projet ?

J'ai toujours été passionné par les jeux vidéo, même si mon parcours universitaire m'a d'abord orienté vers la Faculté de droit puis sur les bancs de l'École nationale d'administration et de magistrature de Cotonou. C'est là que j'ai compris qu'il fallait que je donne vie à ma passion. Après des formations sur le tas puis en ligne, j'ai lancé mon studio, Dasco, avec la volonté forte de m'impliquer, à travers le jeu vidéo, dans les secteurs culturels et touristiques. En effet, bien souvent, lorsque l'on parle du Bénin à l'étranger, cela n'évoque que le vaudou, les coups d'État, les difficultés économiques... Nous souhaitons promouvoir notre culture au-delà de ces clichés et c'est pourquoi nous avons choisi comme trame narrative le quotidien d'un conducteur de moto-taxi. Les Zémidjans intriguent, ils sont une des images de carte postale les plus connues de notre pays, et nous faisons le pari que c'est un point d'entrée pour sensibiliser les Béninois comme les étrangers à notre culture.

Comment avez-vous développé ce jeu ?

Nous sommes toujours en développement et le travail n'est pas encore abouti. Nous avons présenté une version « beta » lors du Benin Game Jam, qui a remporté le premier prix du hackathon, puis nous avons été finalistes d'Afric'up en Tunisie, lieu de rendez-vous de tous les acteurs africains du digital. Nous ne sommes qu'une petite équipe, composée de six personnes dont trois femmes, et nous sommes venus ici aussi pour prendre des contacts autour du développement 3D et pour étudier les standards actuels en terme d'ergonomie. Nous espérons ainsi pouvoir rapidement finaliser Zémidjan.

Quels sont les objectifs que vous fixez à Zémidjan ?

D'abord, nous souhaitons changer la mentalité des Béninois envers le jeu vidéo. Actuellement, lorsqu'un enfant joue avec son téléphone portable, pour ses parents, il s'amuse, il perd son temps car il n'étudie pas. Des jeux comme le nôtre peuvent changer ce regard en montrant que l'on peut jouer tout en apprenant quelque chose. Notre second objectif est vraiment touristique : révéler la culture et la richesse de notre pays, et assurer sa visibilité.

Propos recueillis par Yvan Boude

Pochette du jeu vidéo Zémidjan


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